Dans le cadre de la 12ème édition du Festival de la Cinémathèque Française à Paris, un hommage sera rendu à Jacques Bral.
Cinéaste rare et discret – on lui doit six longs métrages en 50 ans de carrière –, Jacques Bral restera une énigme du cinéma hexagonal. Il est le scénariste et réalisateur d’Une Baleine qui avait mal aux dents en 1974, mais on préfère se souvenir de lui pour deux des meilleurs films noirs que la France ait jamais enfantés : Extérieur, nuit (1980) et Polar (1984). Produit par sa propre société, Les Films Noirs (tiens donc), écrit et réalisé par lui-même, Extérieur, nuit marque un précédent dans le polar français de la fin des années 70 et du début des années 80. Bral prouve alors qu’il n’y a pas forcément besoin de flic ou de crime pour ajouter de la tension et du drame dans son cinéma urbain. On y découvre un tout jeune Gérard Lanvin qui dérive, dérape, et tente de dialoguer avec Christine Boisson, chauffeuse de taxi dure en affaires. Du pavé mouillé de la capitale – Bral promène sa caméra le long du canal de l’Ourcq, qui deviendra un passage obligé du genre – aux jazz clubs en sous-sol, le trio formé par Lanvin, Boisson et André Dussollier dégage une impression de « bout du rouleau », plus symptomatique de cette époque qu’une chanson de Claude François. Si vous changez une lettre, ça donne Jacques Brel, oui. Un authentique film pour zonards et solitaires, car quand il y a les tripes, l’intrigue est secondaire.
En tant que grand fan de l’écrivain Jean-Patrick Manchette, c’est tout naturellement que Bral tente ensuite l’adaptation de Morgue pleine, en gardant en tête les tentatives délicates d’Alain Delon réalisées quelques années auparavant. C’est donc en exacte opposition aux films d’action labellisés « Guépard » qu’il aborde son sujet. Qui de mieux pour jouer le détective Eugène Tarpon que le plus français – mais suisse – des acteurs à disposition ? Jean-François Balmer transcende le film de sa mauvaise foi légendaire et donne enfin à Manchette un film à la hauteur de ses romans. De figures de style en clins d’œil (Claude Chabrol y interprète un réalisateur porno et le pape du polar François Guérif y va aussi son petit rôle), Polar enfonce le clou et s’amuse des codes pour les déjouer, tout en traînant son spleen au plus près du macadam parisien. Après ces deux films-manifestes et un scénario pour Samuel Fuller (Sans espoir de retour), Bral s’éloignera du jeu et du genre, et se tournera vers d’autres formes d’art : il fut également un peintre, dessinateur et sculpteur prolifique. On le retrouvera des années plus tard avec Un printemps à Paris (film de truands à l’ancienne avec Eddy Mitchell) et son ultime œuvre, en 2012, s’intitulera Le noir (te) vous va si bien. Bral a quitté ce monde en 2021, et restera de fait le monsieur Noir du cinéma français.
Rod Glacial – Journaliste
Deux films emblématiques du cinéaste, Extérieur, nuit et Polar seront diffusés dans leurs versions restaurées :
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Informations pratiques :
Cinémathèque Française
51 rue de Bercy. 75012 Paris